Tout a commencé en 2023, par une danse. Dans un langoureux balancement, ses bras ondoient tels des vagues et ses pieds vont et viennent au rythme de l’amapiano, pendant qu’elle se verse de l’eau le long du dos. “Fais-moi transpirer, fais-moi m’embraser, fais-moi perdre mon souffle, fais-moi jouir.”

C’est en 2023 que Tyla, 21 ans, étoile montante de la musique sud-africaine, s’est propulsée au rang d’artiste internationale, raflant les cœurs sur TikTok avec sa manière de bouger hypnotisante et sa voix à couper le souffle. Avec son tube Water, Tyla a redéfini le son de l’amapiano.

Mot zoulou signifiant “piano”, l’amapiano est une fusion de jazz, de house et de kwaito (sorte de house africaine) qui se caractérise par ses mélodies au piano, ses rythmes zoulous et ses lignes de basse entêtantes.

Water est devenu un hymne international, envoûtant les fans de Johannesburg jusqu’à New York, en passant par Lagos, Londres, Kampala et Berlin. Et ce qui avait commencé par une vidéo a donné naissance à des millions de vidéos, les fans tentant (souvent vainement) de reproduire la chorégraphie de Tyla. Reste que ce n’est pas qu’une histoire de danse : c’est avant tout le son de l’amapiano qui a séduit les foules.

Montée en puissance

Le succès de Tyla n’est pas seulement le succès d’une artiste : c’est le symbole de la montée en puissance de la musique africaine, en passe de conquérir la planète. Les sons du continent déferlent sur le monde occidental comme jamais auparavant, pour refaçonner l’ensemble de l’industrie musicale.

Certains artistes se plaignent pourtant des royalties et des contrats médiocres qu’on leur propose et, alors même que leur musique fait tourner la tête au monde entier, la question demeure : les artistes et cultures derrière ces musiques tirent-ils un bénéfice de ce succès ou bien le système mondial de l’industrie musicale prend-il plus qu’il ne donne ?

Il n’y a pas que l’amapiano, né à l’extrémité sud du continent, qui séduit de nouveaux auditeurs au-delà des frontières africaines. Né en Afrique de l’Ouest, l’afrobeat, ce genre créé dans les années 1960 par le légendaire Fela Kuti [1938-1997], continue de faire des vagues dans le monde entier.

Le trompettiste de jazz américain Miles Davis [1926-1991] a dit un jour de Fela que c’était un artiste qui lui avait changé la vie. Le “Black President” a fusionné le blues, le jazz et le funk américains avec la musique traditionnelle yoruba : l’afrobeat a fait l’effet d’une bombe culturelle au Nigeria, avant de susciter l’enthousiasme du monde entier.

Nul doute que le triomphe d’artistes africains comme Fela Kuti a ouvert la voie à la nouvelle vague actuelle. Parmi les représentants [nigérians] de l’afrobeats [un terme regroupant des styles variés de la pop africaine contemporaine] qui déferle aujourd’hui sur le monde, citons Burna Boy, qui est entré dans l’histoire en remportant un Grammy Award avec son album Twice as Tall, ou encore Wizkid, qui s’est imposé comme une star internationale avec l’album Made in Lagos.

Le pouvoir des streams

Tems, pour sa part, collabore avec des titans planétaires comme Drake et Rihanna. Quant à Davido [qui est américano-nigérian], il a produit des tubes comme Fall et If, qui envoûtent les publics aux quatre coins du monde.

Les plateformes comme Spotify et Apple Music contribuent significativement au succès mondial de la musique africaine en permettant aux artistes de toucher des publics éloignés de leur propre pays. Cerise sur le gâteau, en créant des listes de lecture comme Africa Heat, Africa Now et Amapiano Grooves, elles mettent à l’honneur des artistes comme Burna Boy et Wizkid aux côtés de superstars mondiales.

Aussi, selon les chiffres de Spotify, l’amapiano, qui n’a que dix ans, affiche une croissance remarquable. En 2023, il a tota