Pourquoi vous n’avez pas eu l’Humanité du 13 mars

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Festival de Clermont-Ferrand : la France en petite forme

Si, cette année, la production nationale présentée au festival du court métrage s’avère décevante, son pendant international continue de démontrer la vitalité du format.

Clermont n’a rien perdu de son côté frondeur. Le Festival international du court métrage, créé en 1979 par une bande d’étudiants, a retrouvé ses accents de révolte universitaire dans les salles. Pour allumer l’étincelle, il a suffi d’un clip promotionnel célébrant les 40 ans de Canal +, partenaire historique de la manifestation depuis trente ans.

Le film à la gloire de la chaîne cryptée, entamant chaque séance, est systématiquement conspué aux cris de « Virez Bolloré », dans une ambiance bon enfant. Les œuvres qui suivent sont beaucoup mieux accueillies par le public même si, à bien y regarder, une partie de la programmation déçoit.

La compétition nationale avait été de très bonne facture en 2024. À côté, 2025 fait pâle figure. Trop de films bancals, de récits inaboutis, de tentatives de mise en scène qui font pschitt. L’embellie du long métrage français peine à ruisseler sur le court. Restent quelques bonnes surprises dans cet ensemble inégal avec des thématiques récurrentes, peu ou prou liées aux identités sexuelles ou de genre.

Plongée en Afrique de l’ouest

Ainsi en est-il du solaire Big Boys don’t Cry, d’Arnaud Delmarle, où Hicham, un militaire, retourne dans son village d’enfance pour le mariage de son frère. Les virées à scooter, les matchs de foot sur la plage, les repas de famille et un enterrement de vie de garçon rythment ces retrouvailles entre potes.

Lucas, son meilleur ami, apparaît en retrait. Comme s’il craignait d’exposer frontalement ses sentiments dans une relation ambiguë et indéfinissable. À l’opposé, Zoé Cauwet donne à découvrir, dans le Grand Calao, un groupe de femmes de Ouagadougou (Burkina Faso) qui s’octroie une journée de détente. Entre elles, les langues se délient sans que leur sororité semble suffisante pour résister au poids d’un système qui veut les soumettre.

Toujours en Afrique de l’Ouest mais au tournant de la décolonisation dans une fiction animée, Fabienne Wagenaar interroge le désir et la quête d’émancipation dans Plus douce est la nuit au fil d’une enquête sur une disparition.

Cabot mais diablement efficace

Moins présentes qu’à l’accoutumée, quelques comédies tirent pourtant leur épingle du jeu. Dans une veine rohmérienne facétieuse, Louis Douillez mélange les formes d’humour dans les Fleurs bleues, la rencontre de deux randonneurs, lecteurs des Fragments d’un discours amoureux, de Roland Barthes.

Prenant également le parti de l’humour, Ambroise Rateau utilise dans Mort d’un acteur des ressorts déjà empruntés par Michel Blanc dans Grosse Fatigue (1994) ou Spike Jonze pour Dans la peau de John Malkovich (1999). Il met en scène Philippe Rebbot dans son propre rôle.

Les médias annoncent le décès du comédien dont les dénégations restent lettre morte. Un biopic est déjà prévu et son agent lui impose de rencontrer Finnegan Oldfield, choisi pour l’incarner. C’est certes un peu cabot mais diablement efficace et souvent très drôle. À ce jeu où des comédiens incarnent leur propre rôle et surfent entre réel et fiction, Augustin Bonnet pousse le curseur encore plus loin dans l’attachant Amsterdad.

William et Walter sont père et fils à l’écran et dans la vraie vie. Le cinéaste les suit lors d’un séjour à Amsterdam qui doit retisser du lien. Leur projet tourne court avant qu’ils prennent des chemins de traverse inattendus dans cette œuvre originale, drôle et déroutante.

Dans le très beau Mille Moutons, Omer Shamir explore le dilemme de Théo, un jeune berger dont la chienne met bas. La naissance de son chiot l’empêche de surveiller le troupeau. Il doit trouver une solution rapide pour la remettre au travail et prendre des décisions en contradiction avec ses valeurs.

Un thriller environnemental qui mêle déambulation dans la montagne et rapports de domination. Le film d’animation Volcelest utilise aussi la métaphore animale avec une hermine dont l’arrivée sème le trouble dans une ferme. Éric Briche opte pour un noir et blanc somptueux et un crayonné à la fois moderne et vintage dans un récit poétique de toute beauté. Un parti pris onirique également porté en couleur par Florence Miailhe dans Papillon. Son animé qui dénonce le racisme et l’antisémitisme s’attarde sur le destin hors norme du nageur français Alfred Nakache, rescapé d’Auschwitz.

Plus intime et moins spectaculaire

Si le national laisse sur sa faim, quelques détours par la compétition internationale montrent que le court se porte bien. Dans un genre tragicomique, la Britannique Kate McMullen rend compte dans Rhubarb rhubarb des effets délétères du Brexit autour d’une exploitation agricole en manque de main-d’œuvre.

Non-dit, du Sénégalais Yoro Mbaye, ausculte les tensions créées par la concurrence entre le débrouillard Ousseynou qui vend à ses voisins du pain rassis au profit d’un patron sans scrupule et sa belle-sœur, décidée à libérer les villageois et son beau-frère de ce joug en créant sa propre boulangerie.

Autre continent, autre regard avec Embrasement, de Demon Wong. Le cinéaste prend à témoin le nationalisme chinois dans la région du Guangdong en 2008, l’année des jeux Olympiques. Le récit fonctionne sur le mode du battement d’ailes du papillon avec les incivilités d’une bande de jeunes aux conséquences mortelles.

Souvenir de Mahsa Amini

Au Canada, Pier-Philippe Chevigny interroge la souffrance animale et celle de leur bourreau dans Mercenaire, récit de la réinsertion difficile d’un ex-détenu dans un abattoir. La douleur est plus intime et moins spectaculaire dans Ruth, où Sonia Marti Gallego propulse Maya, une Londonienne, dans le village espagnol de sa compagne défunte. Elle désire lui rendre hommage, mais des proches l’empêchent de prendre la parole, de peur d’offusquer sa mère.

La tentative de contrôler la parole et l’apparence des femmes est similaire dans le documentaire En mouvement, de l’Iranienne Elahe Esmaili. En souvenir de Mahsa Amini, à qui le film est dédié et dans la droite ligne du mouvement Femme Vie Liberté, la cinéaste est résolue à ne plus porter de voile. Lorsqu’elle est invitée à l’anniversaire de son oncle, sa mère et ses sœurs lui demandent de mettre de l’eau dans son vin, craignant la réaction des autres membres de la famille. Une réflexion à la fois légère, inquiétante et porteuse d’espoir.

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