Affaire Bétharram : des mutismes qui font système
L’écheveau se démêle à mesure que la parole des victimes de Notre-Dame de Bétharram se libère. Les mots sont durs, violents ; ils disent toute la souffrance endurée et emmurée durant des décennies. La chape de plomb qui a étouffé la voix de ces enfants maltraités, violés est insupportable car elle renvoie à des dysfonctionnements politiques et institutionnels d’un autre âge.
Michel a été marqué au fer rouge, nous confie-t-il. Son témoignage dans nos colonnes est inédit ; il est aussi glaçant que les murs de l’institution catholique qui a volé son enfance et traumatisé le reste de son existence. Son récit est accablant, car il accuse nommément un directeur de cet établissement privé d’avoir commis des violences sexuelles.
Jean Tipy n’aura jamais à répondre de ces accusations. Il a poursuivi sa carrière d’enseignant dans d’autres centres scolaires, à Limoges, mais également à Stanislas, à la réputation sulfureuse, avant de décéder en 2009. C’est le deuxième directeur à être incriminé. Cela fait beaucoup.
Les plus de 140 plaignants ont, un jour ou l’autre, raconté leurs souffrances. En guise d’écoute, ils ont été ignorés. Au sein de l’institution, ils ont subi dédain et punitions par des personnels qui ont délibérément couvert des atrocités. À croire qu’à Bétharram, la parole n’a jamais été d’évangile.
Difficile d’imaginer que de tels agissements ne sont jamais parvenus jusqu’aux oreilles de la congrégation des bétharramites, que la hiérarchie de l’Église n’a jamais su à quel sadisme se livraient ces hommes de Dieu. Les mutismes ont jusqu’alors fait système. Cette omerta se fissure aujourd’hui. La plainte pour non-dénonciation de crime déposée contre François Bayrou, conseiller général et député du territoire à l’époque des faits incriminés, ne relève pas d’une cabale. Elle participe à faire toute la lumière sur les violences sexuelles et psychologiques perpétrées dans cet établissement. Certaines sont prescrites, d’autres non.
À la justice de poursuivre le travail. Mais quoi qu’il advienne, le fonctionnement de ces institutions privées et catholiques, trop souvent incompatible avec le droit, la laïcité et les missions de la République, comme on l’a vu à Stanislas, devra lui aussi être revu à l’aune de ce nouveau scandale. Elles ne peuvent jouir d’aucune complicité morale et politique.
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