Tout le monde veut la paix, certes, mais laquelle ? Désormais alignée sur la Russie, l’administration Trump n’hésite plus à tordre le bras aux Ukrainiens pour qu’ils cessent les combats, alors qu’en Europe occidentale les discours sont au réarmement. C’est peu de dire que les cartes sont brouillées, car peut-on croire sérieusement que les Européens désirent moins la paix que les autres ?

Le but poursuivi par le Vieux Continent est bien celui d’une paix juste, et qui fasse école pour d’éventuels conflits futurs, donc une paix aux conditions des Ukrainiens martyrisés. C’est la ligne que défendent le président français, le premier ministre britannique et même le pape François. Mais sur le terrain des opérations militaires, ces conditions ne sont pas remplies. C’est donc par l’équilibre des forces et de la menace que des pourparlers crédibles peuvent s’engager pour parvenir à cette paix. L’ascendant russe sur l’Ukraine est tel que le retrait américain oblige de facto les Européens à se réarmer fortement et en urgence. Mais cette obligation sur le plan stratégique n’est pas sans poser de profondes questions éthiques.

Le coût de l’effort militaire demandé aux peuples européens est énorme, à l’heure où d’autres dépenses sont exigées par les défis de nos sociétés – révolution numérique, vieillissement, etc. L’expérience montre par ailleurs qu’une arme produite finit toujours par être utilisée. Il n’est que de se rappeler comment les arsenaux militaires soviétiques ont été retrouvés dans les Balkans, en Afrique ou au Moyen-Orient après l’effondrement de l’URSS. Enfin, cette logique du rapport de force et non celle de la construction par le dialogue ne peut que nous heurter. Visiblement, il n’y a pas d’autre voie possible aujourd’hui. On ne doit pas s’interdire de le regretter amèrement.