« Reine mère », une comédie fantaisiste sur l’intégration
Après le succès d’Un divan à Tunis, Manele Labidi évoque dans un film fantasque et grave les difficultés d’une famille tunisienne en France.
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Reine mère **
de Manele Labidi
Film français, 1 h 33
Au retour de vacances en Tunisie, Mouna et ses parents apprennent que leur propriétaire veut récupérer le petit appartement d’un centre-ville cossu où ils vivent. Hors de question de quitter le quartier pour un logement en HLM loin de tout, aux yeux d’Amel, la mère au tempérament de feu qui craint plus que tout le déclassement pour les siens.
Avec son intensité bouillonnante, elle mise tout sur l’éducation de ses filles, qui doivent poursuivre leur scolarité dans leur école catholique cotée. Les revenus de son mari, Amor le bien nommé, ouvrier sur les chantiers, ne suffisant pas pour retrouver un toit, Amel cherche un emploi digne d’elle.
Dans son premier long métrage, Un divan à Tunis, Manele Labidi racontait l’installation d’une psychanalyste française dans un pays d’origine fantasmé. En miroir, ce deuxième film, inspiré de l’enfance de la cinéaste, montre la génération précédente, qui tente de trouver sa place dans la France des années 1990.
Cette chronique familiale aux répliques affûtées et aux couleurs saturées aborde avec un mélange de gravité et de fantaisie décalée l’exil, l’identité et l’intégration. Manele Labidi puise dans la trace laissée par une phrase entendue au CM1, entre malaise et culpabilité : «Charles Martel arrêta les Arabes en 732 à Poitiers. »
Camélia Jordana en mère flamboyante
Elle tire énergiquement son récit vers la fiction avec l’irruption de Charles Martel dans le quotidien de Mouna. Elle seule est capable de voir cette figure menaçante et envahissante qui, peu à peu, devient un allié. Damien Bonnard l’incarne avec un sens du comique bonhomme qui lui sied à merveille. Jovial et royal, il donne tout son relief à ce personnage à mi-chemin entre imaginaire enfantin et méandres historiographiques.
Autour de Mouna (Rim Montfort, qui détonne par sa maturité placide) s’agitent des adultes, enseignants embarrassés et parents interloqués, qui ne comprennent rien à sa lubie. Camélia Jordana et Sofiane Zermani composent un couple charismatique et séduisant, explosif et complice. Amel, en flamboyante diva, veut le meilleur pour les siens et pour elle. Elle se heurte à un racisme décomplexé sans jamais perdre de sa superbe. Éternel amoureux, Amor s’amuse de ses caprices et feint de ne rien voir des rebuffades que leur vaut leur statut d’immigré.
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